Les sorcières de Bénévent

Direction l’Italie pour découvrir cette légende des sorcières de Bénévent. Bénévent (Benevento en italien) est une ville d’Italie qui aurait vécu, au Moyen Age, une histoire de sorcellerie qui a fait la renommée de la ville. Histoire vraie ou légende ? À nous de le découvrir.

La légende des sorcières de Bénévent

On raconte qu’au XIIIe siècle, la ville de Bénévent était un lieu où se ressemblaient des sorcières. De nombreux auteurs et musiciens se sont inspirées de cette histoire bizarre, chacun y ajoutant ses croyances, ou des évènements, à tel point que l’histoire nous est parvenue brouillée, et que nous avons énormément de mal à démêler la vérité du mensonge.

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Une chose est certaine : cette histoire est une légende et fait partie du folklore italien. Mais derrière chaque légende se cache une part de vérité, et c’est cette part-là que l’on doit découvrir, ce qui ne sera pas une chose aisée, puisque l’on ne connaît pas avec précision la date de naissance de cette légende. Beaucoup d’hypothèses circulent à ce sujet. Ce que l’on sait, c’est que cette légende a donné sa renommée de « ville des sorcières » à Bénévent. Mais, est-ce que des sorcières se rassemblaient vraiment à Bénévent ?

 

Le culte d’Isis

À l’époque de l’Empire romain, le culte d’Isis était présent à Bénévent. L’empereur Domitien y avait même fait ériger un temple en son honneur. Isis était une déesse funéraire de l’Égypte antique. Or, nous savons que les Grecs ont beaucoup emprunté à la mythologie égyptienne pour former leur propre mythologie. Et donc, par syncrétisme, la Isis Égyptienne est devenue la déesse Hécate chez les Grecs, déesse que l’on connaît en démonologie occidentale comme une démone de l’ombre, suscitant cauchemars et terreurs nocturnes (voir la fiche-portrait de cette démone). Dans la mythologie grecque, Hécate était une déesse faisant partie de la Triade lunaire, avec Artémis et Séléné. Hécate symbolisait la lune noire, donc la mort. Par conséquent, son culte était celui de la mort.

Sachez, chers lecteurs, que toutes les mythologies se ressemblent, que les divinités des uns sont devenues les divinités des autres en changeant simplement de nom. De tout temps, les hommes ont rendu des cultes à ces divinités, des cultes parfois sanglants, toujours magiques. La Bible mentionne souvent ces cultes et les condamne, car l’on sait que derrière ces divinités que les peuples anciens honoraient se cachent de dangereux démons. C’est évidemment le cas pour Isis qui est devenue Hécate chez les Grecs.

Donc, nos chers Romains priaient un démon à travers la déesse Hécate. Cela est important à comprendre pour la suite de notre histoire.

Ce culte d’Isis a laissé des traces historiques, et certains éléments du paganisme se sont imposés dans la culture de cette région d’Italie durant les siècles suivants. Or, il existe une magie d’Hécate (donc Isis) issue certainement ce culte, d’où les sorcières qui allaient à Bénévent pour se réunir au temple d’Isis. Il serait tout à fait normal que les sorcières de cette époque, pratiquant le culte d’Hécate, veuillent se réunir dans un temple de la divinité pour mieux l’invoquer. Cela pourrait expliquer la présence des sorcières à Bénévent.

 

Le passé de la ville de Bénévent

Fouillons dans le passé de cette ville aux sorcières et plongeons dans un livre très particulier écrit par Pietro Piperno (médecin et philosophe italien du XVIIe siècle) et intitulé « Sur le noyer superstitieux de Beneventana » publié en 1639. Cet essai retrace les racines de la légende des sorcières depuis le VIIe siècle. À cette époque, la ville de Bénévent était la capitale du duché de Lombardie et elle était envahie par des païens qui, bien que convertis au christianisme, n’avaient pas renoncé à leur religion païenne traditionnelle. Ces gens adoraient une vipère dorée qui avait vraisemblablement un lien avec le culte d’Isis, puisque cette divinité qu’ils invoquaient sous la forme d’une vipère pouvait contrôler les serpents. Ce culte s’est développé autour de la rivière Sabato, et un rite particulier a commencé à émerger : en l’honneur de Wotan, considéré comme le père des dieux, la peau d’une chèvre était accrochée à un arbre sacré qui était un noyer. Les guerriers, munis de leurs lances, se précipitaient sur cette peau et essayaient d’en arracher un bout afin de le manger. Ainsi, ils se montraient dignes du dieu Wotan.

Or, il y avait à Bénévent des chrétiens qui regardaient ces rituels, et qui essayaient de convertir ces païens. Ces chrétiens auraient lié ces rites guerriers à leurs croyances sur les sorcières. À leurs yeux, les guerriers étaient des sorciers, leurs femmes des sorcières, la chèvre était l’incarnation du Diable, et les cris étaient des rites orgiaques.

Selon la légende, lorsque Bénévent fut assiégé par les forces de l’empereur byzantin Constans II en 663, le duc Romuald promit au prêtre de la ville, Barbatus, de renoncer au paganisme si la ville et le duché de Lombardie étaient sauvés. Barbatus pria, et Constans II se retira de Bénévent par la grâce divine et Romuald a proclamé Barbatus évêque de Bénévent. Alors, ce dernier a coupé le noyer sacré et a arraché ses racines, et à cet endroit, a fait construire une église qu’il a appelé Santa Maria à Voto. Mais le duc Romuald, qui avait pourtant promis de renoncer au paganisme, a continué en secret à adorer la vipère d’or, jusqu’à ce que sa femme le dénonce à Barbatus, qui a fondu la vipère pour en faire un calice pour l’Eucharistie.

Mais cette légende est incompatible avec les faits historiques réels. En effet, en 663, le duc de Bénévent était Grimoald, et non Romuald qui lui succédera en 671, lorsque Grimoald devint roi des Lombards.

Cette légende des réunions sous le noyer explique en partie la légende des sorcières de Bénévent. Ajoutons que les cultes païens étaient très répandus en Italie, et donc la magie était très présente.

Les premiers siècles du christianisme ont été marqués par de dures batailles contre les cultes païens traditionnels. Les premiers chrétiens avaient bien compris que tous ces cultes étaient d’origine démoniaque, et qu’il fallait absolument sauver ces païens idolâtres. Il fallait les prévenir et essayer de leur offrir le Royaume de Dieu. Et donc, par diabolisation, toutes les femmes qui s’adonnaient au culte d’Hécate sont devenues des sorcières. Les chrétiens pensaient que ces femmes avaient pactisé avec le démon, et qu’elles répandaient l’infertilité dans tout le pays.

Ce qu’il faut retenir de toute cette histoire, c’est qu’il y avait à Bénévent des païens qui adoraient Hécate, et que les femmes qui s’adonnaient à ce culte furent considérées et assimilées à des sorcières. Voilà donc pour la légende et certainement pour sa partie véritable.

 

La légende

C’est dans les siècles qui suivirent le début du christianisme que la légende des sorcières de Bénévent prit forme. Des rapports, dont le premier date de 1273, commencèrent à décrire des rassemblements de sorcières à Bénévent. Un procès pour sorcellerie eu lieu en 1428, et une sorcière du nom de Matteuccia da Todi avoua que des sorcières se rassemblaient à l’endroit du noyer sacré, le même qui avait servi de rituels pour le culte à Hécate, le même qui fut déraciné par Barbatus. Mais apparemment, le diable était toujours à cet endroit, et les sorcières avaient réussi à replanter l’arbre sacré à l’aide de semences retrouvées sur place. Matteuccia da Todi fut condamnée au bûcher. On ne trouva jamais le noyer sacré.

Au 16e siècle, des fouilles retrouvèrent des ossements contenant des restes de chair sous un arbre. Cette découverte fut rapidement entourée d’une aura mystérieuse et a relancé la légende des sorcières de Bénévent.

Quant à ce fameux noyer sacré, la légende nous dit qu’il aurait poussé au bord de la rivière Sabato. Par contre, on ne sait pas s’il y avait, à cet endroit, d’autres noyers. Pietro Piperno a montré, dans son essai, une carte qui indiquerait un positionnement possible de ce noyer. Mais, on n’a jamais pu prouver ce fait.

Par contre, certains auteurs ont mentionné l’existence d’un noyer situé dans une gorge appelée le détroit de Barba, à Ceppaloni, sur la route d’Avellino. C’est peut-être là que se réunissaient les païens pour s’adonner à leur culte ? Il y a même à cet endroit les vestiges d’une église abandonnée depuis plusieurs siècles.

Nous savons qu’il y avait plusieurs noyers qui formaient un cercle près de la Porta Rufina, à la périphérie de la ville. Les sorcières s’y rassemblaient et dansaient autour des arbres.

La légende se précise donc. Il semblerait que Bénévent ait vraiment accueilli des sorcières qui se réunissaient à un endroit précis lors des sabbats.

 

Les sabbats

En effet, la légende des sorcières de Bénévent raconte que les sorcières étaient des femmes ordinaires le jour. Mais dès la nuit venue, elles s’enduisaient d’un onguent, prononçaient une phrase magique et se mettaient à voler dans les airs à cheval sur leur balai, jusqu’à un lieu de rassemblement. Cette idée de sorcière volant sur son balai est très tenace. Au 17e siècle, c’est ainsi qu’étaient décrites les sorcières. On disait aussi qu’elles s’enduisaient d’un onguent. Des analyses sur ces potions ont montré que ces onguents étaient fabriqués à l’aide de plantes hallucinogènes. Les sorcières ne volaient donc pas dans les airs, mais croyaient qu’elles volaient. Elles pensaient aussi se rendre au sabbat, mais tout cela, elles le rêvaient.

Ce lieu sous l’arbre sacré aurait vu des générations de sorcières. Il était le lieu de sabbats. Les sorcières composaient des banquets, dansaient, s’adonnaient à des orgies avec des esprits ou des démons. La légende raconte que ces sorcières ont répandu l’horreur dans toute la région. Elles provoquaient des avortements, des malformations chez les nouveau-nés, des maladies, causaient des sensations d’oppression chez les dormeurs. Elles volaient aussi les chevaux, leur tressaient la crinière et les montaient toute la nuit. Au matin, ces chevaux étaient incapables de réaliser leur travail au champ. On raconte qu’un de leur jeu favori consistait à voler les nouveau-nés dans leur berceau la nuit, de les jeter au feu en offrande au diable, et de les rapporter ainsi carbonisés dans leur berceau au matin.

Nous savons que, quelles que soient les régions du monde, toutes les histoires de sorcières de ce 17e siècle sont semblables. Les sorcières causent toujours la maladie, s’attaquent toujours aux nouveau-nés, tuent parfois des animaux… Mais ces pauvres femmes jetés pour la plupart au bûcher avaient-elle réellement le pouvoir de réaliser tout cela ? N’était-ce pas la peur des sorcières qu’ont fait monter les autorités ecclésiastiques qui a provoqué la panique et des condamnations à mort ? 

 

Les différentes sorcières

Dans cette légende, plusieurs sortes de sorcières ont été identifiées :

  • Les Janaras

Les Janaras avaient la particularité de pouvoir entrer dans les maisons en passant sous la porte. Pour éviter qu’elles n’entrent chez soi, les villageois laissaient un balai derrière la porte ou du sel sur le sol. Cela repoussait les sorcières. Cette croyance était très répandue au Moyen Age dans la région de Bénévent.

  • La zuccalara

La zuccalara est le fantôme d’une personne boiteuse qui hantait le quartier Triggio. Elle déambulait la nuit au niveau du théâtre romain. Elle faisait claquer ses sabots sur le sol. Sa démarche était reconnaissable, car elle boitait. Cette figure dérive certainement du culte à Hécate, car la divinité ne portait qu’une sandale.

  • La manalonga

C’est la sorcière au long bras. Elle vivait dans les puits et tirait tous ceux qui s’approchaient au fond du puits. Cette légende vient essentiellement de la peur des fosses, qui pour les gens de l’époque, symbolisaient des passages vers l’enfer.

Dans toutes les croyances populaires, les légendes de sorcières sont très présentes. Elles sont renforcées par des anecdotes superstitieuses, mais surtout, par la peur des évènements surnaturels. Comme l’on a toujours peur de ce que l’on ne comprend pas ou ne voit pas, on imagine toujours des choses qui n’existent pas. C’est le début d’une légende. Et c’est en faisant naître la peur que les autorités arrivent à manipuler le peuple. 

 

Les persécutions

Les épisodes des chasses aux sorcières ont eu lieu partout en Europe. Et l’Italie ne fut pas épargnée par ce phénomène. À un moment, quelqu’un (on ne sait pas qui) décida (on ne sait pas pourquoi) qu’il fallait éradiquer toutes les sorcières. Et chose encore plus bizarre, tout le monde le suivit. Une vague de haine se souleva chez tous les peuples pour les sorcières. Cette vague haineuse et meurtrière est la conséquence directe de la peur. On a fait monter la peur de la sorcière chez le peuple. La peur mène toujours à des drames. La peur permet de manipuler le peuple. La peur permet de cacher les drames. Et c’est exactement ce qui se passa au Moyen Age.

On pense que la persécution des sorcières en Italie est arrivée avec la prédication de Bernardin de Sienne (1380-1444), qui accusa les sorcières de Bénévent comme responsables de toutes les catastrophes qui arrivaient au peuple italien, notamment la peste et la famine. Et donc, si les Italiens voulaient vivre des jours meilleurs, il fallait exterminer les sorcières afin de stopper leurs sortilèges. Et voilà comment on en est arrivé à des épisodes meurtriers, par la peur et la propagande mensongère.

Et pour bien vous faire comprendre la folie de toute cette histoire, sachez que ce « bon » Bernardin de Sienne, frère franciscain considéré comme un prédicateur de renom par l’Église catholique, a été canonisé en 1450 par Nicolas V pour avoir propagé sa dévotion au saint nom de Jésus. On comprend pourquoi l’Église catholique est aussi frileuse aujourd’hui à reconnaître le Malin. Elle a tellement fait d’erreurs de jugement dans le passé, qu’aujourd’hui elle est prisonnière de son passé. Car oui, toutes ces dénonciations de sorcières, et cette propagande par la peur étaient l’œuvre de l’Église. Quelle tristesse !

Donc, notre cher « saint » Bernardin de Sienne a désigné les sorcières de Bénévent comme responsables de tout ce qui arrivait dans le pays. Il a donc fait condamner à mort de pauvres femmes innocentes. Ajoutons à cette déclaration la publication du monstrueux « Malleus Maleficarum » en 1486 qui plaidait pour l’extermination totale de toutes les sorcières, et voilà que la chasse est ouverte. La suite, on la connaît. Des centaines de femmes furent torturées pour obtenir des aveux (d’ailleurs, le Malleus Maleficarum décrivait précisément les meilleures tortures pour obtenir des aveux), et furent tuées. Du XVe au XVIIIe siècle, de nombreuses confessions furent ainsi menées, et de supposées sorcières avouèrent se rendre à des sabbats à Bénévent. Et dans la grande majorité des cas, ces femmes furent conduites sur le bûcher.

Ce n’est que vers le XVIIe siècle que l’on commença à comprendre que les aveux obtenus sous la torture ne pouvaient être fiables. Les femmes avouaient tout sous la torture afin de mettre fin à leur souffrance. Alors on comprit qu’il n’y a jamais eu de sabbat à Bénévent et que toute cette histoire n’était qu’une ruse du démon afin de tromper les hommes et les forcer à commettre les crimes les plus horribles. Et par la même occasion, Satan a réussi l’exploit de décrédibiliser la toute puissante Église catholique qui détenait tous les pouvoirs sur les peuples.

En réalité, de nombreuses femmes conduites sur le bûcher souffraient de maladies mentales suite à des intoxications dues à des plantes que l’on supposait médicinales, les fameux onguents dont elles s’enduisaient le corps. Et en même temps, Satan a fait naître dans tous les esprits la peur du diable, cette peur qui a entraîné de nombreux meurtres. Ce que l’on sait de sources sûres, c’est que les archives de la ville de Bénévent contiennent environ deux cents procès pour sorcellerie datant de cette sombre époque. Beaucoup d’autres ont été détruits en 1860 afin de calmer les tendances anticléricales de l’époque, du moins, pour éviter de donner des preuves de l’hystérie qui s’était emparée de l’Église à cette époque.

À la question, est-ce que les sorcières de Bénévent ont réellement existé ? Je pense que la réponse est non. Il y a bien eu des cultes païens à Bénévent, comme il y en a eu et il y en a toujours dans le monde. Mais les sorcières telles que décrites durant cette sombre période, je ne pense pas qu’elles existaient. Je pense que les véritables sorciers ou sorcières ont été ceux qui ont permis toutes ces tueries. Les véritables suppôts de Satan ont permis les condamnations de ces innocentes, dans le but évident de discréditer l’Église corrompue par le pouvoir, et de faire en sorte que plus personne ne croit le diable réel.

Sachez, chers lecteurs, que Satan a toujours un coup d’avance sur nous. Il voit loin, et sait comment manipuler les gens. Afin de nous enlever le pouvoir de le combattre, il a fallu d’abord qu’il détruise l’Église. Mais Satan ne pourra jamais détruire le Christ, et c’est dans le Christ que les chrétiens doivent se réunir afin de le combattre. Le combat est spirituel.

Courage, persévérance et bienveillance

Marie d’Ange

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1 commentaire sur “Les sorcières de Bénévent

  1. Les sorcières de Bénévent : Mon journal de démonologue vous invite à une plongée dans l’imaginaire de la sorcellerie à travers l’histoire et les différentes cultures.
    Nia Hayes – ShunCy Articles récents…How to grow Lantana from seedMy Profile

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