Les sorcières de Cassis

Cassis, 1614. Une ville bien différente de celle d’aujourd’hui, appartenant aux évêques de Marseille qui exploitaient déjà la pierre de Cassis, mais dont les ports n’étaient pas encore développés. Et c’est à cette époque que Cassis connut un procès retentissant, un procès en sorcellerie dont nous possédons quelques documents, un procès qui s’est terminé par la mort sur le bûcher de trois femmes déclarées coupables de sorcellerie. Mais que s’est-il réellement passé ? Qui sont ces sorcières de Cassis ?

 

 

Une chasse aux sorcières meurtrières

Dans toute l’Europe, du 13e au 18e siècles, les autorités religieuses et laïques se sont livrées à une véritable chasse des sorciers et sorcières, chasse qui s’est soldée par de nombreuses condamnations à mort (surtout des sorcières !). C’est une époque très obscure où il suffisait de paraître suspect pour être condamné, où il suffisait de quelques dénonciations fallacieuses pour être mis à mort, où tout était sujet à la diabolisation, où la peur du Diable était omniprésente.

Et cette chasse meurtrière n’épargna pas la ville de Cassis. En 1614, le Diable s’abattit sur ce petit village tranquille de bord de mer. On raconte que la population aurait chassé du village trois femmes soupçonnées de sorcellerie et que ces trois femmes se seraient réfugiées près de Toulon, dans le massif du Gros-Cerveau, où d’ailleurs, encore aujourd’hui, une grotte que l’on peut visiter leur est attribuée.

Pour remettre un peu l’histoire dans son contexte, il faut aussi savoir que les épidémies et les famines ravageaient cette France du 16e et 17e siècles. Les villageois étaient pauvres, et surtout pensaient que ces maladies et ces malheurs étaient dus au Diable. Et bien sûr, ces évènements touchèrent aussi le sud de la France.

En 1580, une épidémie apportée à Marseille par un navire ravagea la Provence. Ce fut l’une des plus grandes épidémies que connut la région avec celle de 1720. Et cette épidémie terrifia la population qui voyait dans les malades autant de représentation du Malin. Et l’on accusa les Juifs, les étrangers et bien sûr les sorciers et les sorcières d’avoir propagé la peste. Et lorsque l’épidémie cessa de sévir, on parla de miracle et d’intervention divine. Et l’on se félicitait d’avoir chassé les sorcières.

Avec la peste, il y a aussi les guerres, notamment les guerres de religion qui sévirent entre 1561 et 1648. Un siècle de guerre ! Un siècle de malheur !

Au début du 17e siècle, Louis XIII et Richelieu décident d’armer le port militaire de Toulon pour contrer le royaume des Habsbourg. Les habitants de Provence sont terrifiés par cette nouvelle guerre.

Après les massacres de la saint Barthélemy en 1572, la Provence s’enfonce dans les troubles de l’anarchie. La guerre y fait rage, on assassine les populations, on pille les villages et les châteaux rivaux sont mis à feu et à sang. Les Papes et les Rois, qui souhaitent conserver leurs pouvoirs, font pression sur les populations. Tout mouvement de révolte du peuple est tué dans l’œuf, tout comportement déviant est vu comme diabolique et donc condamné. Les procès en sorcellerie se succèdent, les gens ont peur de l’inquisition.

Mais Cassis semblait être préservée de ces malheurs qui touchaient la Provence. Son commerce était florissant, son port de pêche fonctionnait bien, les habitants vivaient bien, jusqu’à ce qu’une affaire de sorcellerie vint perturber la quiétude de la ville.

Les villageois trouvent suspectes trois femmes et les accusent de tous les maux qui touchent Cassis. Elles seront alors mises à mort en place publique, devant tous.

 

Les sorcières de Cassis

On ne sait pratiquement rien de ces trois femmes accusées de sorcellerie. On ne sait rien de leurs familles ni si elles avaient des enfants. Si elles avaient des enfants, ils ont certainement été placés au premier rang par les autorités pour assister à la mise à mort de leur mère. Et bannis de Cassis.

Les sorcières sont connues sous les noms de Donne Figonnière, Donne Tripière et la Grosse Coiffe. On ne connaît pas leur véritable nom.

Par contre, on sait comment se déroula cette misérable journée : les trois femmes furent placées sur le parvis de l’église, à moitié nue, et demandèrent pardon. On leur mit alors dans les mains le « cierge de l’amende » payé par elles, puis elles sont hissées dans un tombereau. Une longue procession se met alors en place et elles rejoignent le lieu du supplice.

Pendant ce temps, des crieurs publics alertent les gens des alentours et des hameaux voisins qui se pressent en masse pour assister à l’exécution. Quelques notables d’Aix et de Marseille font aussi le déplacement. Mais le plus gros de la foule est constitué des habitants de Cassis heureux de voir dans cette exécution la fin de leurs malheurs. Ils font sonner les trompes de brume et tapent sur des casseroles. Le bruit est assourdissant, leur joie l’est tout autant.

Le bourreau est marseillais. Il monte sur l’estrade. La foule se tait soudainement. Les sorcières crient des insanités à la foule et prédisent de nombreux malheurs, dont la sécheresse des vignes, ce qui adviendra deux ans plus tard. La foule est scandalisée, elle a peur de ces sorts.

Le bourreau vérifie les garrots puis les serre. Après quelques spasmes, les sorcières s’éteignent sous les applaudissements de la foule. Mais cela ne suffit pas, puisque les sorcières seront ensuite pendues puis brûlées sur le bûcher. Histoire de bien calmer la foule…

 

Pourquoi ce procès

D’après les témoignages et écrits de cette époque, Donne Figonnière a été accusée d’avoir jeté un sort au bébé du pêcheur Barnabous pour se venger de ce dernier qui se serait moqué d’elle. Dès lors, le bébé aurait été atteint d’un mal inconnu, aurait cessé de s’alimenter. Mais Barnabous aurait attrapé Donne Figonnière et l’aurait tabassé pour qu’elle enlève le sort. Et effectivement, le bébé se serait rétabli.

Grosse Coiffe aurait sévi sur un de ses voisins dont le chien aurait tué dix de ses poules. Et le voisin aurait eu la gorge tellement serrée qu’il lui était impossible de s’alimenter, comme le bébé de Barnabous. Le voisin vit un « contre-sorcier » qui savait déjouer les sorts et il fut rétabli.

Quant à Dame Tripière, elle avait dressé des chats matagots, donc des sorciers, qu’elle lâchait dans les villes. Ces chats laissaient des plaques verdâtres après leur passage. Et les grappes de raisins séchaient sur place. Les viticulteurs Toni, Jourdan et Poulidet furent victimes de ce sort.

Alors un beau jour, excédés, les Cassidains chassèrent les sorcières de la ville à coup de râteaux et de pelles jusqu’au col de l’Ange. Les sorcières se seraient réfugiées aux alentours de Canaille et du Bec de l’Aigle où elles auraient sévi dans la région varoise, notamment à Beausset, Évenos et Sanary. On les aurait vues à ces endroits vendant des philtres d’amour et autres potions démoniaques. Elles logèrent même dans les grottes d’Ollioules, grottes qui deux cents ans plus tard allaient inspirer Victor Hugo.

Mais, le souvenir de ces sorcières était encore très vivace à Cassis où l’on racontait que ces mégères s’étaient perfectionnées en sorcellerie et arrivaient maintenant à jeter des sorts à distance. Et c’est ainsi qu’on les crut responsables de la destruction de la maison de Jullien Bermont. Alors, en 1614, elles furent arrêtées à Ollioules, et quasiment dans la foulée exécutées.

D’après les écrits qui nous sont parvenus, on pense que ces trois femmes pratiquaient la sorcellerie. Mais comment en être sûr dans une époque aussi troublée ?

Et comme disait le prêtre exorciste Gabriele Amorth, il aurait alors fallu les exorciser et non les tuer. Finalement, il aurait fallu apporter la Paix et non la guerre, l’Amour et non la haine. 

 

 

Marie d’Ange

 

Pour aller plus loin

 

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