Le chant d’allégresse de la rose mystique

Article invité, très beau texte de Bertrand, magnifique hommage à Marie

 

Pour une oraison amoureuse et sanctifiante… à l’attention des âmes plus désireuses du ciel que du siècle…

“C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe ; la vierge deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d’Emmanuel”

Esaïe 7,14

“Tu tressailliras alors et tu te réjouiras, et ton cœur bondira et se dilatera.”

Esaïe 60,5

Mes chers frères d’âme,

C’est avec un cœur indiciblement touché que je vous partage ce présent intérieur, motivé par inspiration comme par commandement de la grâce.

Je ne sais véritablement à qui l’adresser : aux âmes déjà aguerries dans la foi, pour qui l’oraison est une seconde nature, ou aux âmes en recherche, dont cette nature de louange spontanée de l’être reste encore un mystère voilé.

Dans les deux cas, je ne peux raisonnablement contenir ce joyau si précieux : celui de la “voie royale” d’accès au Verbe incarné.

Un joyau qui n’est pourtant pas caché ; tant contemplé et maintes fois édifié par des générations de Saints et Hommes pieux en tous genres.

Or, son éclat et son mystère semblent encore échapper à bien des croyants, autant qu’ à bien d’âmes tristement égarées par séductions.

En effet, une lumière trop intense aveugle, et naturelle est la réaction d’en détourner les yeux pour recouvrer la vue. Pour la contempler et jouir de sa présence comme de son regard, il convient alors de disposer d’un filtre. Et ce filtre, c’est l’amour chaste!

Du ciel à la grâce…

L’amour que j’évoque présentement dans sa “chasteté” est à entendre ici comme la loi immuable de l’esprit, tout comme peut l’être la gravité à l’égard des corps célestes. Je ne parle pas de niaiserie humaine grotesque, de passion déchaînée ou d’un entrelacement d’affections et de sentiments déréglés, propres à la perception charnelle bien amoindrie de la nature même de cette loi universelle.

L’amour est une force spirituelle ; une force dirigée, orientée, augmentée dans sa dilatation, et dans laquelle le vouloir se meut. On ne peut en effet aimer sans direction, n’en déplaise aux sympathisants de la vacuité-clarté : l’amour qui se contemple lui-même se dirige tout de même vers lui-même dans l’acte de contempler !

Le ciel, en essence, est sa demeure de contemplation et de louanges éternelles, d’où jaillissent glorieusement sa source vive et sa lumière.

“Chantez à l’Eternel un cantique nouveau, chantez ses louanges aux extrémités de la Terre”

Esaïe 42,10

Demeure où l’âme cherche tout naturellement à s’établir, en son lieu de paix. À cette fin, l’âme doit élever son coeur, siège de son esprit. L’esprit, ici, n’est autre que la conscience de l’Eternel logée au fond de l’âme ; la mémoire de son immortalité (vers laquelle elle tend) et non la mentalisation en elle-même (le coeur ayant sa pensée propre, néanmoins silencieuse).

„…Elle juge les intentions et les pensées du coeur…“ Hébreux 4,12

„Dieu parle au coeur sans aucun bruit de parole“ Carnet et notes intimes (1873) de Bernadette Soubirous

Ainsi, la “vie” telle qu’elle nous est donnée en esprit, “à l’image et à la ressemblance de”, est le mouvement de l’âme vers son unique source, qui constitue son modèle d’élévation, et crée l’élan à l’origine de ce besoin.

Cet élan irrésistiblement attirant, (conscientisé ou non et consistant en soi au vouloir), que la majorité comprend faussement comme la quête du bonheur, est en réalité et plus subtilement, la loi de l’amour. Plus justement dite, la quête de “la bonne hauteur”! Car plus nous aimons, plus nous nous élevons en sainteté.

Aimer, c’est atteindre la cible, à l’instar du péché, qui signifie étymologiquement “manquer la cible”. La cible est celle du coeur, de l’esprit.

Qui ignore ce que contient son coeur et son esprit ne peut connaître l’amour, ni le reconnaître en son prochain. Qui agit en dehors du coeur ne peut concourir au bien. Il y a donc vraisemblablement un vouloir subtil qui sous-tend le principe de direction spontanée de l’être (vers sa cible), à l’intérieur duquel la conscience se meut verticalement et progressivement vers son origine.

Comprenez bien ce que je souhaite vous signifier: nous sommes nés de l’amour, nous sommes soutenus par l’amour et nous allons vers l’amour, en tant que loi. D’où le principe de force qui engendre, soutient et élève, se dilate en elle-même, par, et pour elle-même. Tout comme l’univers engendre lui-même l’espace et le temps dans lesquels il s’étend et perdure…

Toute loi naturelle (comme spirituelle) répond à un ordre, à un équilibre fin, sans lequel il n’y aurait que chaos et stérilité. Le principe d’élévation du coeur vers sa source, régit par la loi de l’amour, répond identiquement à un ordre : celui de la grâce.

L’Homme n’étant qu’une “version miniaturisée” de cette loi divine, (réduite par son incarnation dans la chair qui le distancie du ciel), son amour et son élévation ne peuvent être que limités, en témoigne autrement la confusion généralisée de la nature humaine. Heurté ainsi à un horizon infranchissable (celui des limites de son propre esprit), la grâce intervient prodigieusement par l’entremise de la foi. De cette façon, la foi prend tout son sens : elle est la réponse que produit l’amour divin en l’Homme (moyen de son élévation). La démonstration concrète de ce que l’on ne voit pas.

“Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru !” Jean 20,29

„Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu“ Ephésiens 2,8

En conséquence, l’Eternel communique sa présence et son être dans les cœurs par le moyen de la grâce. Un présent de “légèreté amoureuse” et certaine qui dilate le cœur vers plus de hauteur.

Qui a goûté à la grâce la recherchera toute sa vie ! Elle “exalte l’âme et exulte l’esprit”, comme une fusion mystique ; une danse extatique intemporelle où l’élan d’amour ne trouve plus aucune limite.

Touchée par la grâce, l’âme ne peut que désirer se sanctifier pour parvenir au ciel, car le ciel est Saint.

La foi détient en ce sens les joyaux incorruptibles de sanctification que sont la prière, la louange, les actions de grâces et les cantiques (autant d’aspirations du coeur vers sa source).

Toutefois, il est un joyau plus voluptueux encore, lieu de gestation même de l’auteur de la grâce, demeure choisie pour la descente de Dieu lui-même en verticalité,  pour son humanisation en vue de notre rédemption par son sacrifice : le sein de Marie (comme préfiguration du Christ en humilité, pureté et obéissance).

“Tu es toute belle mon amie, et il n’y a point en toi de défaut” Cantique des cantique 4,7

“Une seule est ma colombe, ma parfaite !” Cantique des cantiques 6,9.

 “Qui est celle qui apparaît comme l’aurore, belle comme la lune, pure comme le soleil”

Cantique des cantiques 7,11

 “Car ton créateur est ton époux, l’Eternel des armées est son nom ; Et ton rédempteur est le Saint d’Israël : il se nomme Dieu de toute la Terre” Esaïe 54,5

 “Je ferai de toi un ornement pour toujours, un sujet de joie de génération en génération.”

Esaïe 60, 15

 NT/ “Désormais tous les âges me diront bienheureuse” Magnificat

 “Lève-toi, Eternel, viens à ton lieu de repos, Toi et l’arche de ta majesté ! […]

Je mettrai sur ton trône un fruit de tes entrailles”

Psaumes 132, 8-10

 NT/ “Et béni est le fruit de tes entrailles”

 “Oui, l’Eternel a choisi Sion, il l’a désirée pour sa demeure. C’est mon lieu de repos à toujours ; j’y habiterai, car je l’ai désirée”

Psaumes 132, 13-14

De la grâce à Marie…

Que le plan de Dieu est merveilleux ! Plus merveilleux encore que l’agencement des étoiles dans le ciel, que le sourire d’une mère pour son enfant ou la rosée nourrissant la roseraie aux lueurs de l’aube… Douce contemplation, doux nectar, miel de la providence qu’est la volonté de l’auteur de la vie en Marie ! Littéralement, “celle qui élève“.

C’est dans ce mystère que repose la voie suave pour l’âme de “l’oraison mariale”, en vue du Christ.

Il est certain que nous accédons à Dieu uniquement par le Christ, seul médiateur entre Dieu et l’Homme : “Nul ne vient au Père que par moi”. Subséquemment, nous pouvons accéder au Christ par une voie parfaite de médiation, ce que se garde de spécifier l’évangile. Omission ou sphère gardée ? Peut-être est-ce une perle que l’on ne donne pas aux pourceaux, que les appelés ne peuvent entrevoir sans un discernement éclairé..?

Or, en observant ce chemin spirituel, nous constatons simplement qu’il suit l’ordre de la grâce empruntée par Dieu, mais par voie de retour. En effet, Dieu vient aux Hommes en la personne de Jésus-Christ par le sein de Marie, il s’humanise en ce sens tout en conservant sa nature divine. Et l’Homme, par voie de retour, peut venir au Christ par le sein de Marie, puis à Dieu par le Christ.

“Oh, que n’es-tu mon frère, allaité des mamelles de ma mère ! ….. Je veux te conduire, t’amener à la maison de ma mère ” Cantiques 8, 1-2

Là me semble être une clé sanctifiante. Car, en passant par le sein de Marie, l’Homme se positionne en gestation spirituelle, à l’unisson de son cœur de Mère. À l’instar d’humaniser sa nature comme l’a fait le Christ pour s’incarner en elle, il la “divinise”, c’est-à-dire qu’il l’élève au plus haut degré en Marie (par son amour de Mère du Fils) afin de le rendre digne du Christ, en vue de Dieu. Quel vertige amoureux que cette voie sanctifiante ! Voilà un chemin où l’Homme devient à la fois “enfant de Dieu”, “naît de nouveau” par Marie, et par filiation maternelle directe, devient “frère du Christ”! Percevez-vous la portée spirituelle d’une telle voie ?

Pour accéder au royaume, il faut renaître d’eau et d’esprit (Jean 3,5)… Cette voie ne remet cependant pas en cause l’immersion baptismale et l’action de l’Esprit-Saint, elle les sublime, au contraire ! L’Esprit-Saint ayant couvert Marie de son ombre et son sein étant comblé de grâces, quelle meilleure immersion spirituelle peux-t-il y avoir pour accéder au Sauveur ? “Fille bien-aimée du Père, Mère admirable du Fils, et Epouse très fidèle du Saint-Esprit” : modèle exact d’amour trinitaire.

“Mais on t’appellera mon plaisir en elle, Et l’on appellera ta terre épouse ; car l’Eternel met son plaisir en toi, et ta terre aura un époux.

Comme un jeune homme s’unit à une vierge, Ainsi tes fils s’uniront à toi, Et comme la fiancée fait la joie de son fiancé, Ainsi tu feras la joie de ton Dieu.”

Esaïe 62,4-5

“Réjouissez-vous avec Jérusalem, Faites d’elle le sujet de votre allégresse, Vous tous qui l’aimez ; tressaillez avec elle de joie… Afin que vous soyez nourris et rassasiés du lait de ses consolations, Afin que vous savouriez avec bonheur la plénitude de sa gloire. Car ainsi parle l’Eternel : Voici, je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent débordé, et vous serez allaités ; vous serez portés sur les bras, Et caressés sur les genoux. Comme un homme que sa mère console, Ainsi je vous consolerai ; vous serez consolés dans Jérusalem. Vous le verrez, et votre cœur sera dans la joie.” Esaïe 66, 7-14

Vous serez consolés « dans » Jérusalem… Je doute personnellement que Dieu parle de la cité en tant que telle… Mais peut-être de sa « cité sainte », lieu charnel de son incarnation.

Comprenez bien :

Qui, mieux que Marie, peut nous conduire au visage du Christ ? Elle qui l’a bercé et allaité. Connaître Jésus par les yeux et le cœur de sa Mère, ce n’est pas idolâtrer sa Mère. Marie n’a jamais été considérée comme l’égale de Dieu, mais comme la voie de grâce choisie par Dieu pour son incarnation. Lorsque l’on prie Marie, on glorifie le Seigneur en son sein, tout comme l’a fait l’ange Gabriel. 

L’amour de Marie pour son fils ne constitut-il pas le modèle unique de l’amour que l’on doit porter au Christ ? Seul digne de louanges et de gloires ? Qu’à l’image de Marie, notre âme “exalte le Seigneur, et exulte notre esprit en Dieu, notre Sauveur “?

„Magnificat anima mea dominum, et exultavit spiritus meus in deo salutari meo“

De Marie au chant d’allégresse…

“Il rendra son désert semblable à un Eden, Et sa terre aride à un jardin de l’Eternel.

La joie et l’allégresse se trouveront au milieu d’elle, les actions de grâce et le chant des cantiques.”

Esaïe 50,3.

Marie est très timidement mise en avant dans l’évangile. Elle demeure secrète, presque effacée.

“Marie gardait toutes ces choses, et les repassait dans son coeur” Luc 2,19

Or, la grâce a produit en elle une louange unique, qui, sagement, peut constituer l’exemple de la direction que tout âme doit avoir pour Dieu, le “cantique nouveau” dont parle probablement Esaïe : son Magnificat. Elle nous a laissé non seulement le fruit de ses entrailles qui est notre salut, mais aussi le fruit de sa grâce, l’élan intime de son âme et son être intérieur vers Dieu. Sa “danse extatique” avec le créateur, où elle y glorifia à la fois le Fils, le Père, et l’Epoux.

C’est enceinte de Jésus que Marie a chanté cette louange : les entrailles comblées du Saint-Esprit, le coeur débordant de la source même de l’amour, le sein littéralement habité du Dieu vivant ! Même les psaumes du Roi David qui sont une oeuvre en soi d’actions de grâces et de cantiques n’ont pu être autant inspiré que le Magnificat de la Vierge Marie.

Cantique d’or, à l’image de la pureté de celle que nous nommons d’innombrables titres dans ses litanies : Eve nouvelle, Fille de Sion, Servante du Seigneur, Cité de Dieu, Demeure de la Sagesse, Temple du Saint-Esprit, Miroir de la Sainteté Divine, Rose Mystique, Tour de David, Maison d’Or, Arche de la Nouvelle Alliance, Porte du Ciel, Etoile du Matin, Femme bénie entre les femmes, Médiatrice de grâces…

(Vous trouverez le Magnificat de la Sainte-Vierge en Luc 1,46)

De la louange à l’âme…

Ainsi, la louange est le mouvement “raffiné” de l’âme produit par la grâce. La grâce apppelle la louange et la louange appelle la grâce. Les “deux” se joignent en une perfection ascendante. Plus habité par Dieu est l’amour, plus dilaté est son rayonnement…

En ce sens, faire oraison, c’est dilater le ciel dans l’être. Se laisser empoigner par la source de l’être en présence, dans un acte de foi, de pure contemplation, prêt à mourir littéralement dans les bras de Dieu.

L’oraison n’est ni une prière, ni une méditation, ni un culte… Elle est un acte d’abandon, de dépouillement de soi, d’ouverture à Celui qui Est ; la détente parfaite de l’âme devant celui qui la possède.

Elle consiste définitivement à laisser travailler le créateur en nous, sans intervenir d’aucune mesure, simplement en acceptant de se laisser habiter en lieu et place de son âme.

Là est peut-être la difficulté de cette démarche : abandonner son âme en confiance, transcendant la peur de la perte (ou de la mort) pour le don de la vie. Même si ce n’est que 15 min par jour pour s’y exercer ! C’est un acte de non-peur, de non-fuite face à la croix que chaque âme doit porter…

Nous en arrivons finalement à l’oraison intime qui m’est toute spéciale et personnelle, que je ne peux retenir en conscience, et qui fait exactement l’objet de cet écrit.

De la même teneur que celle que je viens de vous décrire, mais avec cible le sein de Marie.

Avant d’abandonner votre âme au Christ dans cet “exercice de contemplation” qu’est l’oraison, abandonnez-là au sein de Marie ! Laissez-vous porter en gestation par des actions de grâces dirigées au cœur de ses entrailles. Laissez-vous posséder en silence par son sein. Suivez le même chemin qu’a emprunté le Christ dans l’ordre de la grâce pour venir à vous. Car, lorsque vous paraîtrez devant Lui, c’est en lieu et place du cœur immaculé de sa tendre Mère que vous lui présenterez votre âme en oraison, allaités et purifiés d’une tendresse toute particulière : celle du regard éblouïssant de sa Mère, de l’innocence sans tâches de sa Fille, et de la fidélité virginale de son Epouse…

Trouvez votre chant d’allégresse, chantez à l’éternel le cantique de votre coeur, laissez-vous inspirer et nourrir dans le calme du liquide amniotique où le verbe s’est fait chair, avant de (re)naître à la Vie ! 

Bertrand Bouf

(Merci à Bertrand pour cet article)

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