Le monde est rempli de lieux étranges dits hantés. Et comme partout ailleurs, nous croisons en France de nombreuses légendes se rapportant à des lieux supposés maudits, ou hantés. Direction la Bretagne, la pointe du Finistère, pour une visite guidée du phare de Tévennec à la découverte de sa sinistre légende.
Le phare de Tévennec
Le phare de Tévennec est situé sur la pointe occidentale de la Bretagne, dans le département du Finistère, dans la partie nord du Raz de Sein. D’accès difficile, il fut automatisé dès 1910. Ce phare sécurise, avec le feu de la Vieille, le passage du Raz de Sein, passage qui représente de nombreuses difficultés pour les marins.
Le phare de Tévennec a été inscrit au patrimoine historique le 31 décembre 2015.
Le phare de Tévennec a été construit en 1874 afin de faciliter le passage du raz de Sein, ainsi que phare de la Vieille en 1879. Le raz de Sein est un endroit très dangereux en raison de violents courants. Les navigateurs qui reliaient l’île de Sein et la pointe du Raz devaient faire très attention au niveau du passage du raz de Sein pour ne pas chavirer. Beaucoup y ont laissé la vie, surtout lorsque la fréquentation de ce passage s’est accentuée, surtout la nuit.
Le Raz de Sein, que les marins connaissent bien, est une zone dangereuse. Formant entre la pointe du Raz et l’île de Sein un étroit passage maritime aux courants violents et aux nombreux récits, il est responsable de nombreux naufrages. On le surnomme même la baie de Trépassés.
De nombreuses légendes lugubres circulent sur le Raz de Sein, nées sans doute, à cause de la dangerosité du passage. On raconte que le Raz de Sein était le point de départ des druides vers leur ultime demeure, l’île de Sein. On raconte aussi qu’on y verrait apparaître le bag-noz, le bateau de la mort chargé d’emmener les âmes des défunts vers leur ultime demeure. Enfin, on raconte que le Raz de Sein serait la demeure de l’Ankou.
Au XIXe siècle, le Raz de Sein attira l’attention des autorités maritimes. En effet, il y eut à cette époque, un grand nombre d’accidents et de naufrages dans la zone, un trop grand nombre. Il fallait donc faire quelque chose, sécuriser la zone. On prit donc la décision de construire le phare de Tévennec ainsi que le phare de la Vieille et le phare d’Ar-Men. Curieusement, les deux autres phares n’ont pas la même réputation sinistre que celle de Tévennec.
Le phare de Tévennec est une tour carrée de 11 mètres de haut et de 2,40 mètres de côté. Une maison d’habitation destinée au gardien est attenante au phare. Le tout est entouré d’un mur de protection construit à l’aide de pierres extraites directement sur l’îlot. L’escalier qui conduit au débarcadère est taillé à même la roche.
Un phare maudit
Le phare est un site difficile d’accès. Érigé sur un rocher, avec sa petite maison, il est fréquemment balayé par les embruns et donc reste très difficile, voire même impossible, d’aborder lorsque la mer est agitée.
Les gardiens eux-mêmes l’appellent l’enfer, ou le purgatoire. Le phare jouit d’une sinistre réputation. On raconte toutes sortes d’histoires à son propos, comme celle de gardiens devenant fous en y restant seulement quelques mois sur son rocher, d’autres qui meurent soudainement. On raconte qu’on y entendrait des cris lugubres qui s’élèveraient de l’îlot, ces cris que l’on attribue aux naufragés ayant perdu la vie sur les rochers aux alentours.
Il y a aussi cette histoire qui fait froid dans le dos, celle d’un gardien qui serait mort brutalement dans les bras de sa femme. Bouleversée et ne sachant que faire, elle aurait mis le corps inerte de son mari au saloir afin de le conserver jusqu’à la relève.
On sait que la plupart des histoires concernant le phare de Tévennec sont imaginaires, colportées comme des rumeurs, se racontant le soir pour faire peur.
En fait, et c’est certainement de là que lui vient sa réputation, le phare de Tévennec n’a pas été classé comme un phare de pleine mer, mais comme un feu de quatrième catégorie. Ce qui fait qu’un seul gardien y était affecté et devait y rester une année entière. Il y avait donc de quoi devenir fou, rester sur ce rocher seul, toute une année !
Et la vie sur le rocher de Tévennec ne devait pas être de tout repos, probablement aussi difficile que dans les phares en mer. Surtout l’hiver, lorsque la mer était déchaînée et qu’il fallait composer avec la tempête. Les journées devaient être bien longues.
Récemment, les plongeurs ont découvert une grotte sous-marine sous le phare. Lorsque des vagues s’y engouffrent, l’air s’en échappe par des failles dans la roche, créant des bruits que l’on pourrait confondre avec des cris ou des plaintes. Là encore, un gardien seul dans le phare qui entendrait ces cris en permanence ne peut que perdre la raison.
Les constructeurs du phare entendaient ces bruits, ainsi que « Kers cuit ! Kers cuit ! Ama ma ma flag ! ». Du breton qui se traduit par « Va-t’en ! Va-t’en ! Ici c’est ma place ! » De quoi en effet, penser à un fantôme !
Tout cela a donné la réputation de phare maudit à Tévennec.
Le phare de Tévennec a non seulement acquis la réputation d’être maudit, mais il est aussi considéré comme le pire phare de France. Il a été déserté par presque tous les gardiens qui y ont séjourné. On le dit responsable de la mort ou de la folie de plusieurs sentinelles. On le dépeint comme le théâtre d’évènements étranges.
Par exemple, on raconte qu’avant la construction du phare, un marin d’un navire naufragé serait parvenu à se hisser sur le rocher pour y trouver refuge. Mais en raison de la forte mer, personne ne put s’approcher du rocher et lui porter secours. Ce pauvre marin serait mort sur le rocher au bout de quatre jours et on raconte qu’il hante toujours les lieux. Ce serait lui qui crierait lorsque la mer est agitée. Or, rappelez-vous, on sait qu’une grotte sous-marine traverse le rocher et que la mer qui s’y engouffre fait entendre des bruits ressemblant à des cris. Comme quoi, lorsque l’imagination prend plus de place que la raison, on peut voir ou entendre des choses qui n’existent pas…
On raconte que le premier gardien du phare, un certain Porsmoguer, décida de démissionner de son poste au bout de quelques jours, car il aurait vu un fantôme une nuit de tempête. Là encore, la solitude peut parfois exacerber l’imagination.
On raconte aussi qu’un prêtre serait venu sur le rocher pour exorciser les lieux. Et là, cela m’interpelle. Pourquoi un prêtre aurait-il exorcisé le phare, puisque l’on parle de fantôme et non de démon ? L’exorcisme est le rituel romain qui permet de chasser les démons, en aucun cas les fantômes. D’ailleurs, dans la religion catholique, les fantômes n’existent pas, puisque les âmes vont soit au Paradis, soit en enfer, soit au purgatoire. Donc, je vois mal un prêtre se rendant sur un lieu hanté pour combattre un fantôme. Refermons cette parenthèse. D’ailleurs, ce prêtre ne réussit pas à redonner la paix au phare.
On raconte que l’un des gardiens fut retrouvé mort dans son lit, qu’un autre devint fou, que d’autres se suicidèrent, ou assassinèrent des membres de leur famille. Mais bien sûr, historiquement, on ne peut apporter la preuve de ces faits.
D’ailleurs, un journaliste, Jean-Christophe Fichou, historien spécialiste de la signalisation maritime, se pencha sur les archives de Quimper en 1990. Il ne trouva aucune mention de gardien devenu fou, ni de gardien mort étrangement, ni de meurtre ou de suicide. Seul un gardien fut retrouvé mort dans son lit, mais ce décès fut attribué à l’alcoolisme avéré de ce pauvre homme victime de son addition et d’un état de santé dégradé. Une bien triste histoire certes, mais qui ne plaide pas en faveur d’un phénomène de hantise.
Jean-Christophe Fichou découvrit une seule et unique histoire dramatique qui concerne le Raz de Sein. Mais cette histoire ne concerne pas le phare de Tévennec, mais celui de la Vieille. En 1926, deux gardiens, anciens mutilés de guerre et affectés au phare de la Vieille, se sont retrouvés isolés pendant plusieurs semaines à cause d’une violente tempête. L’une des goélettes envoyées pour leur porter secours s’est brisée contre les rochers de Plogoff. Ces deux gardiens seront finalement secourus au bout de deux mois par des pêcheurs.
Aucune mort mystérieuse n’est donc à déplorer au phare de Tévennec. En revanche, les conditions de vie sur le phare étaient vraiment difficiles. Vingt-trois gardiens s’y sont succédés avant son automatisation. La décision prise d’y placer deux sentinelles en 1828 ni celle de l’ouvrir aux couples mariés ne permirent d’assurer une permanence stable au gardiennage du phare. Ne trouvant personne pour le garder, la décision fut prise de l’automatiser. Le Tévennec devint le premier phare automatisé de France.
Pourquoi le phare n’attirait-il pas les gardiens ? Cela est dû principalement à la difficulté de le ravitailler. Le ravitaillement devait être assuré tous les 15 jours, mais parfois cela n’était pas possible. La mer agitée empêchait toute approche du phare. De plus, on sait que la solitude est très difficile à supporter. L’homme n’est pas fait pour vivre seul. Et cette solitude qui s’étale sur plusieurs mois peut entraîner des troubles psychiques, une dépression. Et il paraît évident qu’y assigner d’anciens soldats mutilés de la Première Guerre mondiale n’était pas la meilleure solution. En effet, ces hommes souffraient déjà d’un traumatisme et là on ajoutait du malheur à leur malheur.
Le phare de Tévennec n’est donc pas un lieu hanté. J’ai choisi de vous raconter cette histoire pour vous montrer qu’il est très facile de faire d’un lieu quelconque un endroit hanté par des fantômes à coup de rumeurs et de fausses croyances. Ces histoires font peur et vendre à la fois. Elles titillent l’imagination. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les lieux hantés sont très rares, car d’une part, les fantômes n’existent pas, et d’autre part, les démons ne s’attachent pas à des lieux, mais à des personnes.
Les fantômes n’existent pas, les histoires d’âmes errantes qui doivent retrouver la paix, tout cela n’existe pas et est issu de la croyance New Age. Les passeurs d’âmes et autres personnes disant communiquer avec les morts, tout cela est une belle arnaque, il faut le dire. En revanche, un démon peut retenir prisonnier l’âme d’un défunt. Lorsque ce cas se présente, alors on a affaire à un phénomène de hantise. L’âme du défunt, en colère et désespérée, cherche à se libérer et va tenter d’attirer l’attention des vivants. Mais, derrière ce phénomène d’esprit frappeur, il y a un démon. Et pour libérer l’âme du défunt, il faudra d’abord combattre le démon. Comme ce démon tient prisonnier l’âme du défunt, il reste dans le lieu où ce dernier a trouvé la mort.
Je l’ai déjà dit, lorsque l’on se retrouve dans un lieu dit hanté, un lieu qui a une histoire tragique, et si l’on constate effectivement des évènements étranges, alors il faut chercher le démon qui en est la cause.
Courage, persévérance, bienveillance.
Marie d’Ange
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