Le père Surin, une victime innocente du Diable

Tout le monde a entendu parler de l’affaire des possédées de Loudun qui entraîna le procès et la mort du prêtre Urbain Grandier au XVIIe siècle, histoire mise en scène à l’opéra de Marseille en février 1972, une œuvre de Penderecki intitulée Les Diables de Loudun. Le père Surin, un jésuite, a été mêlé de près à cette affaire, contre son grès, car il était une victime diable, alors qu’il aurait dû en être le bourreau. Explications.

 

 

Biographie du père Surin

Jean-Joseph Surin est né le 9 février 1600 à Bordeaux et mort le 21 avril 1665 dans la même ville. C’était un prêtre jésuite français qui a joué un rôle de premier plan dans l’affaire des démons de Loudun (1632-1636).

Dès l’âge de huit ans, Jean-Joseph Surin prononce ses vœux de chasteté. À dix ans, un frère-carme lui apprend à méditer. En 1616, il entre au noviciat jésuite de Bordeaux où il sera ordonné prêtre-exorciste.

Après quelques missions en Guyenne et en Saintonge, il est envoyé en 1634 à Loudun pour délivrer les sœurs Ursulines du démon. En effet, depuis 1632, dans cette ville, il se déroule une sombre affaire de possession diabolique au couvent des sœurs Ursulines. Plusieurs d’entre elles sont possédées par le démon. Cette affaire deviendra la plus célèbre affaire de possession démoniaque du XVIIe siècle avec celle des possédées d’Aix-en-Provence.

Urbain Grandier, un prêtre, soupçonné de sorcellerie, est brûlé sur la place publique. Des séances d’exorcisme sont organisées devant des milliers de curieux.

Le père Surin procède à plusieurs exorcismes sur les sœurs. Ses méthodes sont moins brutales que ses confrères, car il préfère l’écoute et le dialogue plutôt que les tortures infligées aux possédés à cette époque-là pour les délivrer.

Sauf qu’à force de parler avec le Diable, le père Surin perdra la raison et sera victime de désordres mentaux qui seront interprétés comme des manifestations de possession résultant d’une imprudence qu’il aurait commise. En effet, horrifié de voir la souffrance des sœurs, il se serait offert en offrande et aurait accepté de se faire posséder par des démons.

Pendant plus de vingt ans, le père Surin sera incapable de se servir de ses membres, de ses yeux, de sa langue et sera tourmenté nuit et jour par les démons. Il sera incapable de se consacrer à la prédication et entrera dans des crises effroyables. Mais, chose surprenante, dès qu’il monte en chaire de vérité et fait le signe de croix, ceux qui l’entourent voient en lui une extraordinaire transformation : ses traits se détendent, sa voix se fait puissante et captivante.

De 1637 à 1654, le père Surin est resté dans un état de dépression profonde et avait des idées suicidaires. Il en sera délivré huit ans avant sa mort. Et c’est dans cette courte période qu’il a composé la majeure partie de son œuvre.

 

Possession démoniaque ou folie ?

Le père Surin avait été appelé à Loudun pour délivrer les sœurs Ursulines des démons. Il avait été choisi pour être l’un des exorcistes des malheureuses Ursulines de Loudun. Il est arrivé en 1634, quatre mois à peine après la condamnation d’Urbain Grandier, déclaré coupable de la possession démoniaque des sœurs Ursulines et brûlé sur la place publique.

Lorsque le père Surin arrive à Loudun, il a 33 ans. Il est dans la mouvance du père Louis Lallemant qui prône une nouvelle spiritualité, très austère, orientée sur le renoncement et la docilité. Le père Surin était quelqu’un de très émotif.

Dès son arrivée à Loudun, il assiste à des séances d’exorcisme spectaculaires données en public. Ces séances duraient de six à sept heures pendant lesquelles les sœurs subissaient d’horribles tortures. Les curieux se pressaient par milliers pour assister à cette débâcle. Les religieuses étaient attachées sur des planches, se contorsionnaient, hurlaient de douleur, blasphémaient…

Le père Surin ne put s’empêcher de pleurer en voyant ce spectacle. Il ne put pas admettre que l’on fasse subir de telles tortures à ces femmes. Lorsqu’on lui confiea Jeanne des Anges, la prieure des Ursulines, à exorciser, le père Surin décida d’adopter une autre méthode que ses collègues. Il va préférer le dialogue aux séances d’exorcisme.

Jeanne des Anges était une jeune femme agitée, névrosée. Le 21 décembre 1634, le père Surin commence son travail avec elle. Il l’engage à la perfection intérieure, sans rien lui proposer d’autre et la laisse libre de ses mouvements et de ses pensées. Lui-même, jeûne, prie, s’exalte et s’épuise.

En février 1635, il confie à un ami jésuite que le Diable est passé du corps de la possédée au sien. Jeanne des Anges va mieux, alors que lui souffre de céphalées, de maux divers, d’hallucinations. Un jour, devant des milliers de témoins, sur la place publique, un démon le renverse.

Le père accepte ces épreuves. Il sait qu’elles sont une manière de purification infligée par Dieu pour renforcer sa foi. Mais, très vite, certains le traitent de fou. On le retire alors de Loudun en 1636 et on lui ordonne d’y revenir dans quelques mois. En effet, Jeanne des Anges, presque guérie, n’a plus qu’un seul démon en elle et ce démon réclamait le père Surin.

Le père Surin invitera la jeune femme à une retraite au cours de laquelle, il la délivrera complètement. Jeanne des Anges part pour une tournée triomphale de cinq mois qui se termine à Annecy, avec le père Surin, sur le tombeau de François de Sales. En y allant, tout le monde l’acclame sur le bord de la route. Elle est même reçue par Richelieu à Rueil et par la reine à Saint-Germain-en-Laye, à qui elle montre sa main qui porte miraculeusement les noms de Jésus et Marie gravés sur sa peau.

Huit ans plus tard, un lieutenant criminel au présidial de Lyon passera par Loudun et découvrira la supercherie en faisant sauter avec le bout de son ongle la jambe du M de Marie gravée sur la main de Jeanne des Anges.

Quant au père Surin, pendant plus de vingt ans, il va subir des troubles nerveux. Il va combattre son mal par l’écriture. Il écrira un Cathéchisme spirituel, de nombreux cantiques sur des airs populaires et le livre La Science expérimentale, une autobiographie qui raconte avec beaucoup d’humilité son parcours.

Son cas a beaucoup intéressé les psychiatres. Mais aucun n’a su déterminer si le père Surin a souffert d’une possession démoniaque qui entraîna des troubles nerveux. Sa guérison s’est faite lentement grâce à des prières, sans aucun traitement médical.

Le père Surin s’est éteint en 1665, apaisé, délivré de ses démons.

 

Ses œuvres

  • Le Triomphe de l’amour divin sur les puissances de l’enfer en la possession de la Mère supérieure des Ursulines de Loudun, 1636
  • Catéchisme spirituel, 1654
  • Dialogues spirituels, 1655
  • Cantiques spirituels de l’amour divin, pour l’instruction et la consolation des âmes dévotes, Bordeaux, 1655 (nombreuses rééditions)
  • Science expérimentale des choses de l’autre vie acquise en la possession des Ursulines de Loudun, 1663
  • Fondements de la vie spirituelle, 1643 pour une nouvelle édition chez la veuve Desaint libraire, rue du Foin-Saint-Jacques
  • Lettres spirituelles, 1695
  • Les voies de l’amour divin. Textes choisis et présentés par Madeleine Daniélou. Éditions de l’Orante, 1954
  • Correspondance, publiée en 1966 par Michel de Certeau
  • Guide spirituel pour la perfection. Texte établi et présenté par Michel de Certeau. Collection Christus n° 12, 334 pages, 2008
  • Questions sur I’amour de Dieu. Collection Christus n° 95, 198 pages. Desclée de Brouwer, 2008

 

 

 

Le père Surin a certainement payé de sa santé pour délivrer une jeune femme victime d’une grave possession démoniaque. Le père Surin est une figure douloureuse de l’histoire de l’Église. Durant 20 ans, il a combattu les démons par la prière et l’écriture. Sur la fin de sa vie, il a été délivré.

 

 

Marie d’Ange

 

 

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