L’affaire de Blockula

On trouve, dans le « Dictionnaire Infernal » de Collin de Plancy, une bien curieuse histoire, celle d’une île légendaire où se réunissaient les sorcières pour le sabbat. Cette île est appelée Blockula, et ne pouvait être atteinte que par un vol magique. Direction la Suède pour visiter Blockula, l’île aux sorcières.

Durant l’année 1670, il y eut en Suède une affaire de sorcellerie qui fit grand bruit. Soixante-dix sorcières furent condamnées au bûcher, de nombreuses personnes furent arrêtées, et quinze enfants se retrouvèrent sur le banc des accusés. Et c’est lors de ce procès que le nom de Blockula fut lâché par les sorcières qui décrivirent l’île secrète.

Nul ne pouvait atteindre Blockula que par vol surnaturel. Lorsque les sorcières arrivaient sur île, elles atterrissaient au milieu d’une immense prairie. Dans cette prairie, il y avait une porte qui menait dans une prairie plus petite. Et dans cette prairie plus petite, il y avait une maison. Dans cette maison, il y avait table dressée. Les sorcières étaient invitées à s’asseoir autour de cette table. Dans cette maison, il y avait aussi une chambre, avec des lits.

Le Diable attendait les sorcières dans cette maison. Il emmenait les sorcières qu’il préférait, celles qui lui avaient le plus rendu hommage, et s’accouplait avec elles. De ces unions charnelles naissaient des enfants, des fils et des filles du Diable, avec qui il avait des relations, et qui avaient des relations entre eux. De ces unions incestueuses naissaient des crapauds et des serpents.

Voilà donc ce que l’on a pu entendre lors de ce procès. Des aveux de sorcières le plus souvent tirés sous torture. Est-ce que cette île existe réellement ? Nous savons que cette époque très trouble a donné lieu à des chasses aux sorcières totalement abjectes et meurtrières. La plupart des femmes mises sur le bûcher n’étaient pas des sorcières. Beaucoup aussi étaient affabulatrices. D’autres prenaient des drogues et pensaient être emportées aux lieux des sabbats. La peur de la sorcière était très répandue à cette époque. Et nous savons que la peur mène à la folie meurtrière, mène aux passions déréglées, et écarte la raison.

Ce que je vous propose c’est de lire le texte tel que Collin de Plancy l’a écrit afin de le décrypter. Peut-être trouverons-nous quelques éléments de réponse concernant cette île mystérieuse.

Texte du « Dictionnaire Infernal » de Collin de Plancy :

Blokula. Vers l’année 1670, il y eut en Suède, au village de Mohra, dans la province d’Elfdalen, une affaire de sorcellerie qui fit grand bruit. On y envoya des’juges. Soixante-dix sorcières furent condamnées à mort ; une foule d’autres furent arrêtées, et quinze enfants se trouvèrent mêlés dans ces débats.

Illustration de Louis le Breton pour le “Dictionnaire Infernal” de Collin de Plancy.

On disait que les sorcières se rendaient de nuit dans un carrefour, qu’elles y évoquaient le diable à l’entrée d’une caverne en disant trois fois : « Antesser ! viens, et nous porte à Blokula ! »

C’était le lieu enchanté et inconnu du vulgaire où se faisait le sabbat. Le démon Antesser leur apparaissait sous diverses formes, mais le plus souvent en justaucorps gris, avec des chausses rouges ornées de rubans, des bas bleus, une barbe rousse, un chapeau pointu. Il les emportait à travers les airs à Blokula, aidé d’un nombre suffisant de démons, pour la plupart travestis en chèvres ; quelques sorcières plus hardies accompagnaient le cortège à cheval sur des manches à balai. Celles qui menaient des enfants plantaient une pique dans le derrière de leur chèvre ; tous les enfants s’y perchaient à califourchon à la suite de la sorcière, et faisaient le voyage sans encombre.

Quand ils sont arrivés à Blokula, ajoute la relation, on leur prépare une fête ; ils se donnent au diable, qu’ils jurent de servir ; ils se font une piqûre au doigt et signent de leur sang un engagement ou pacte ; on les baptise ensuite au nom du diable, qui leur donne des raclures de cloches. Ils les jettent dans l’eau en disant ces paroles abominables : « De même que cette raclure ne retournera jamais aux cloches dont elle est venue, que mon âme ainsi ne puisse jamais entrer dans le ciel !… »

La plus grande séduction que le diable emploie est la bonne chère, et il donne à ces gens un superbe festin, qui se compose d’un potage aux choux et au lard, de bouillie d’avoine, de beurre, de lait et de fromage. Après le repas, ils jouent et se battent ; et si le diable est de bonne humeur, il les rosse tous avec une perche, « ensuite de quoi il se met à rire à plein ventre ». D’autres fois il leur joue de la harpe.

Les aveux que le tribunal obtint apprirent que les fruits qui naissaient du commerce des sorcières avec les démons étaient des crapauds ou des serpents. Des sorcières révélèrent encore cette particularité, qu’elles avaient vu quelquefois le diable malade, et qu’alors il se faisait appliquer des ventouses par les sorciers de la compagnie.

Le diable enfin leur donnait des animaux qui les servaient et faisaient leurs commissions : à l’un un corbeau, à l’autre un chat, qu’ils appelaient emporteur, parce qu’on l’envoyait voler ce qu’on désirait et qu’il s’en acquittait habilement. Il leur enseignait à traire le lait par charme, de cette manière : le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache à ce couteau un cordon qu’il tire comme le pis d’une vache, et les bestiaux qu’il désigne dans sa pensée sont traits aussitôt jusqu’à épuisement. Ils employaient le même moyen pour nuire à leurs ennemis, qui souffraient des douleurs incroyables pendant tout le temps qu’on tirait le cordon. Ils tuaient même ceux qui leur déplaisaient en frappant l’air avec un couteau de bois.

Sur ces aveux on brûla quelques centaines de sorciers, sans que pour cela il y en eût moins en Suède [33] ; mais ce qui est surprenant, c’est que les mêmes scènes de magie se reproduisent en Suède de nos jours. Voy. Magie.

À présent, après une lecture attentive, essayons de relever les points importants qui nous permettraient d’éclairer notre lanterne au sujet de Blockula.

Tout d’abord, rappelons qui est Collin de Plancy. Jacques Albin Simon Collin de Plancy (1794-1881) était un écrivain français, auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’occultisme, à l’insolite et au fantastique, dont le fameux « Dictionnaire Infernal » que je cite souvent dans mes articles et qui est détaillé et expliqué au module 3 de la formation en démonologie. Collin de Plancy connaissait très bien le monde surnaturel, et c’est pour cela qu’il reste une référence à consulter régulièrement.

Revenons à la description qu’il nous donne sur cette affaire de Blockula. Elle se passe vers l’année 1670, dans un village du nom de Mohra, en Suède. On trouve, en Suède, une ville appelée Mora qui compte un peu plus de 10 000 habitants.

C’est donc dans cette ville que fut instauré l’un des plus grands procès en sorcellerie. Collin de Plancy précise que le gouvernement y avait envoyé des juges pour instruire cette immense affaire, et que 70 sorcières furent condamnées à mort.

Dans cette affaire, les sorcières avouèrent se rendre à un carrefour afin d’invoquer le diable. Le démon des carrefours ! En sorcellerie, cette notion de carrefour est très importante. De nombreuses invocations de démons se passent à un carrefour. Donc, ces sorcières se plaçaient au niveau d’un carrefour, près de l’entrée d’une caverne (l’endroit est donc très précis) et appelaient trois fois le démon Antesser pour être portées à Blockula.

Qui est ce démon Antesser ? On ne sait pas grand-chose à son sujet. Ce démon n’est mentionné que dans « Le Dictionnaire Infernal », aucun autre grimoire ne parle de lui. Ce démon a pour fonction d’emmener par vol les sorcières à Blockula. Il apparaît sous la forme d’un homme à la barbe rousse, coiffé d’un chapeau pointu, et vêtu d’un justaucorps gris et portant des bas bleus. Là encore, sa description ne correspond à aucun démon connu de la démonologie occidentale. Antesser était aidé par de nombreux démons, qui transportaient les sorcières à Blockula. Ces autres démons apparaissaient sous la forme d’une chèvre. Les sorcières les plus fortes suivaient ces démons à cheval sur leur manche à balai. On voit bien ici que l’image de la sorcière volant sur son balai avec son chapeau pointu commence à se dessiner, et que c’est cette image qui va s’imposer dans la culture populaire.

Certaines sorcières emmenaient des enfants, qui voyageaient sur des pics plantés au niveau du derrière de leur chèvre.

Lorsque tout ce beau monde arrive à Blockula, une fête est préparée. Et là, les sorcières jurent de servir le diable et signent un pacte de sang. Ensuite, elles sont baptisées au nom du diable.

De nombreux satanistes se font baptiser de cette manière. Ils renoncent ainsi au Christ. Ce genre de baptême fait de nombreux dégâts. Ils renoncent au Salut et au Paradis consciemment, comme le font les sorcières dans ce texte.

Puis, le diable donne à ses invités un festin. C’est ainsi qu’il les séduit, par le ventre. Puis, les invités jouent et se battent, et si le diable est de bonne humeur, il les rosse. On voit bien que tout ceci ressemble davantage à un conte, d’autant plus qu’il est ajouté que le démon joue de la harpe !

D’ailleurs on peut lire plus loin que ce sont des aveux obtenus par le tribunal. Lorsque l’on sait comment étaient obtenus ces aveux, on comprend que les « sorcières », pour faire cesser les tortures, avouaient tout et n’importe quoi. Et surtout, elles racontaient ce que les bourreaux avaient envie d’entendre. D’ailleurs, certaines avaient dit avoir vu le diable malade et guéri par des sorciers qui lui avaient appliqué des ventouses ! On se rend bien compte que tout ceci est une farce ! Le diable malade ! Satan est rongé par l’orgueil, il est incapable d’amour, mais malade ? La maladie appartient à notre monde, pas au monde angélique ou démoniaque. Un démon ne peut pas choper le rhume ou la gastro ou le coronavirus ou le cancer !

Puis, le diable donnait aux sorcières des animaux de compagnie pour les servir. Ce sont des démons familiers, les fameux démons familiers des sorcières qui étaient, le plus souvent, des chats noirs ou des corbeaux. Ces démons familiers aidaient les sorciers dans leur corvée, mais aussi, ils s’attaquaient aux ennemis des sorciers.

Sur ces aveux, de nombreuses sorcières furent condamnées au bûcher, sans pour autant arrêter la sorcellerie.

Ce texte comporte une morale : les épisodes des chasses aux sorcières ont été sanguinaires. Cette époque était celle de la diabolisation de tout et de la peur du Diable. De nombreuses femmes innocentes furent condamnées au bûcher. Dès qu’une femme paraissait un peu bizarre, elle était conduite devant un juge. Cette période très sombre de l’Histoire de l’humanité n’a pas fait cesser la sorcellerie. Pourtant, c’était le but. Or, dès que l’on veut combattre un mal par un mal, le premier mal se renforce. Ainsi, on a voulu combattre la sorcellerie en mettant à mort ces pauvres femmes au lieu de les écouter, de les aider. On a condamné des femmes innocentes au supplice du feu. Est-ce cela la justice de l’homme ? Une justice qui n’en est pas une. En prétextant agir pour Dieu, tous ces bourreaux ont agi pour le Diable, car Dieu dit : “Tu ne tueras point”.

Finalement, tout cela a rendu la sorcellerie populaire, et donc, a renforcé le premier mal. En effet, aujourd’hui, beaucoup affichent sans complexe accomplir des rituels magiques. Cela devient banal. La sorcellerie s’est banalisée, parce que l’on a plus voulu la contrer spirituellement par la Parole de Dieu. Et même, aujourd’hui, on la met en avant. De nombreuses pratiques New Age utilisent la magie. Et lorsque l’on tente de montrer le danger de toutes ces pratiques, on est montré du doigt, et on nous dit qu’il ne faut pas revenir à cette période sombre. Je suis d’accord qu’il ne faut pas revenir à cette période très sombre de notre histoire, mais il ne faut pas non plus tout accepter. La magie fait beaucoup de mal à l’homme. Il est temps de le reconnaître, et de combattre ces pratiques avec intelligence et surtout, spirituellement. Cette période de diabolisation a été une ruse du diable afin qu’aujourd’hui, on arrive à croire qu’il n’existe pas, à refuser de croire qu’il existe. Et ainsi, il peut agir en toute impunité, sans que nous ayons les moyens de le combattre. Tout cela a été possible grâce à la peur. La peur permet la manipulation du peuple.

Cette histoire de Blockula montre à quel point la haine contre les sorcières a engendré, aujourd’hui, son contraire. Et à quel point la diabolisation de tout mène à des excès destructeurs. D’ailleurs, cette folie s’est arrêtée comme elle avait commencé : d’une manière nette. À cette époque, toutes ces femmes accusées de sorcellerie avaient besoin d’un prêtre, avaient besoin d’un exorcisme afin de les innocenter ou de les délivrer si un pacte démoniaque avait été réellement signé. Les conduire à la mort a été une erreur monumentale, qui a conduit à recul net de l’Église vis-à-vis du démon. Aujourd’hui, de nombreux prêtres ne croient pas en l’existence du démon. Et c’est pour cela que de nombreux malheureux ne peuvent plus trouver la délivrance auprès d’eux. Pourtant, les Évangiles sont très clairs à ce sujet : Satan existe et nous devons le combattre au Nom du Christ. Bien sûr qu’il ne faut pas revenir à cette époque, mais il faut étudier cette époque pour ne pas faire les mêmes erreurs, et surtout, pour comprendre notre époque, et pour nous apercevoir que le démon a souvent influencé l’histoire afin de mener le monde à sa perte. Il est temps de réagir, il est temps de s’en rendre compte, il est temps de comprendre que le combat est spirituel et qu’il doit être mené par tous. 

Courage, persévérance et bienveillance.

Marie d’Ange

 

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